Page:Durkheim - De la division du travail social.djvu/312

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d’aspirations individuelles vers le bien-être et le bonheur, qui peuvent se satisfaire d’autant mieux que les sociétés sont plus étendues et plus condensées. Tout autre est la loi que nous venons d’établir. Nous disons, non que la croissance et la condensation des sociétés permettent, mais qu’elles nécessitent une division plus grande du travail. Ce n’est pas un instrument par lequel celle-ci se réalise ; c’en est la cause déterminante[1].

Mais comment peut-on se représenter la manière dont cette double cause produit son effet ?


II

Suivant M. Spencer, si l’accroissement du volume social a une influence sur les progrès de la division du travail, ce n’est pas qu’il les détermine ; il ne fait que les accélérer. C’est seulement une condition adjuvante du phénomène. Instable par nature, toute masse homogène devient forcément hétérogène, quelles qu’en soient les dimensions ; seulement, elle se différencie plus complètement et plus vite quand elle est plus étendue. En effet,

  1. Sur ce point encore nous pouvons nous appuyer sur l’autorité de Comte. « Je dois seulement, dit-il, indiquer maintenant la condensation progressive de notre espèce comme un dernier élément général concourant à régler la vitesse effective du mouvement social. On peut donc d’abord aisément reconnaître que cette influence contribue beaucoup, surtout à l’origine, à déterminer dans l’ensemble du travail humain une division de plus en plus spéciale, nécessairement incompatible avec un petit nombre de coopérateurs. En outre, par une propriété plus intime et moins connue, quoique encore plus capitale, une telle condensation stimule directement, d’une manière très puissante, au développement plus rapide de l’évolution sociale, soit en poussant les individus à tenter de nouveaux efforts pour s’assurer par des moyens plus raffinés une existence qui, autrement, deviendrait plus difficile, soit aussi en obligeant la société à réagir avec une énergie plus opiniâtre et mieux concertée pour lutter plus opiniâtrement contre l’essor plus puissant des divergences particulières. À l’un et à l’autre titre on voit qu’il ne s’agit point ici de l’augmentation absolue du nombre des individus, mais surtout de leur concours plus intense sur un espace donné. » (Cours, IV, 455.)