Page:Durkheim - L'Allemagne au-dessus de tout.djvu/44

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.


Négation du droit des nationalités. ― Enfin, on a pu noter, chemin faisant, combien cette même mentalité est fermée à l’idée de nationalité et au principe qui en dérive.

Une nationalité est un groupe humain dont les membres, pour des raisons ethniques ou simplement historiques, veulent vivre sous les mêmes lois, former un même État, petit ou grand il n’importe ; et c’est aujourd’hui un principe, parmi les nations civilisées, que cette volonté commune, quand elle s’est affirmée avec persévérance, a droit au respect, qu’elle est même le seul fondement solide des États. Mais cette vérité fait l’effet d’une niaiserie sentimentale quand, avec Treitschke, on admet qu’un État peut se maintenir par la seule contrainte, que l’acquiescement intime des citoyens lui est inutile, que son autorité peut être efficace sans être librement consentie. Puisque de grands empires ont duré sans être voulus par leurs sujets[1], il n’y a pas à craindre de violenter les peuples si, par ce moyen, on peut édifier de grands et puissants États.

De là vient le goût de l’Allemagne pour les conquêtes et les annexions. Peu lui importe ce que sentent et ce que veulent les hommes. Tout ce qu’elle demande, c’est qu’ils se soumettent à la loi du vainqueur et elle se charge elle-même de se faire obéir. Elle ne songe même pas qu’il puisse y avoir lieu pour elle de faire oublier ensuite ses violences, de gagner les vaincus et de se les assimiler. L’Allemagne n’a jamais reconnu le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. C’est le principe de sa politique et elle annonce par avance qu’elle ne s’en départira pas au jour de la paix, si elle est en état d’imposer ses lois.

  1. Cf. supra, chap. III, 2.