Page:Durkheim - Le Suicide, Alcan, 1897.djvu/16

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lire. Si, parmi les différents sujets que nous avons eu l’occasion d’étudier au cours de notre enseignement, nous avons choisi le suicide pour la présente publication, c’est que, comme il en est peu de plus facilement déterminables, il nous a paru être d’un exemple particulièrement opportun ; encore un travail préalable a-t-il été nécessaire pour en bien marquer les contours. Mais aussi, par compensation, quand on se concentre ainsi, on arrive à trouver de véritables lois qui prouvent mieux que n’importe quelle argumentation dialectique la possibilité de la sociologie. On verra celles que nous espérons avoir démontrées. Assurément, il a dû nous arriver plus d’une fois de nous tromper, de dépasser dans nos inductions les faits observés. Mais du moins, chaque proposition est accompagnée de ses preuves, que nous nous sommes efforcé de multiplier autant que possible. Surtout, nous nous sommes appliqué à bien séparer chaque fois tout ce qui est raisonnement et interprétation, des faits interprétés. Le lecteur est ainsi mis en mesure d’apprécier ce qu’il y a de fondé dans les explications qui lui sont soumises, sans que rien trouble son jugement.

Il s’en faut, d’ailleurs, qu’en restreignant ainsi la recherche, on s’interdise nécessairement les vues d’ensemble et les aperçus généraux. Tout au contraire, nous pensons être parvenu à établir un certain nombre de propositions, concernant le mariage, le veuvage, la famille, la société religieuse, etc., qui, si nous ne nous abusons, en apprennent plus que les théories ordinaires des moralistes sur la nature de ces conditions ou de ces institutions. Il se dégagera même de notre étude quelques indications sur les causes du malaise général dont souffrent actuellement les sociétés européennes et sur les remèdes qui peuvent l’atténuer. Car il ne faut