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Page:Durkheim - Le Suicide, Alcan, 1897.djvu/364

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342 LE SUICIDE. simplement la probabilité qu’il y a pour qu’un homme, apparte- nant à uti groupe social déterminé, se tue dans le cours de Tan- née. Si, »ur une population de 100.000 âmes, il y a annuelle- ment 15 suicides, on peut bien en conclure qu’il y a 15 chances sur 100.000 pour qu’un sujet quelconque se suicide pendant cette même unité de temps. Mais cette probabilité ne nous donne aucunement la mesure de la tendance moyenne au suicide ni ne peut servir à prouver que cette tendance existe. Le fait que tant d’individus sur cent se donnent la mort n’implique pas que les autres y soient exposés à un degré quelconque et ne peut rien nous apprendre relativement à la nature et à l’intensité des causes qui déterminent au suicide W. Ainsi, la théorie de l’homme moyen ne résout pas le problème. Reprenons-le donc et voyons bien comme il se pose. Les suicidés sont une infime minorité dispersée aux quatre coins de Thori- aon; chacun d’eux accomplit son acte séparément, sans savoir que d’autres en font autant de leur côté; et pourtant, tant que la société ne change pas, le nombre des suicidés est le même. Il faut donc bien que toutes ces manifestations individuelles, si indé- pendantes qu’elles paraissent être les unes des autres, soient en céalité le produit d’une même cause ou d’un même groupe de causes qui dominent les individus. Car autrement, comment expliquer que, chaque année, toutes ces volontés particulières, (1) Côs considérations fournissent une preuve de plus que la race ne peut rendre compte du taux social des suicides. Le type ethnique, en effet, est lui atiflsi ttû type générique ; il ne comprend que des caractères communs à une masse considérable d’individus. Le suicide, au contraire^ est un fait excep* tionnel. La race n’a donc rien qui puisse suffire à déterminer le suicide ; au- trement, il aurait une généralité que, en fait, il n’a pas. Dira-t-on que si, en effet, aucun des éléments qui constituent la race ne saurait être regardé oomme une cause suffisante du suicide, cependant, eUe peut, selon ce qu’elle est, rendre les hommes plus ou moin» accessibles à l’action des causes suici- dogènes? Mais, quand même les faits vérifieraient cette hypothèse, ce qui n’est pas, il faudrait tout au moins reconnaître que le type ethnique est un facteur de bien médiocre efficacité, puisque son influence supposée serait em- pêchée de se manifester dans la presque totalité des cas et ne serait sensible que très exceptionnellement. En un mot, la race ne peut expliquer comment, sur un million de sujets qui tous appartiennent également à cette race, il y tm a tout au plus 100 ou 200 qui se tuent chaque année.