Aller au contenu

Page:Durkheim - Le Suicide, Alcan, 1897.djvu/376

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

J^v

LE SUICIDE. 

slant des suicides ne peut être dû qu’à l’action d’une mônne cause qui domine les individus et qui leur survit. La force qui fait Tunité du faisceau formé par la multitude des cas particuliers^ é[)ars sur la surface du territoire, doit nécessairement être en dehors de chacun d’eux. Si donc il était réellement impossible qu’elle leur fût extérieure, le problème serait insoluble. Mais rimpossibilité n’est qu’apparente. Et d’abord, il n’est pas vrai que la société ne soit composée que d’individus; elle comprend aussi des choses matérielles et qui jouent un rôle essentiel dans la vie commune. Le fait social se matérialise parfois jusqu’à devenir un élément du monde extérieur. Par exemple, un type déterminé d’architecture est. un phénomène social; or il est incarné en partie dans des mai- sons, dans des édifices de toute sorte qui, une fois construits, deviennent des réalités autonomes, indépendantes des individus. Il en est ainsi des voies de communication et de transport, des instruments et des machines employés dans l’industrie ou dans la vie privée et qui expriment l’état de la technique à chaque moment de l’histoire, du langage écrit, etc. La vie sociale, qui s’est ainsi comme cristallisée et. fixée sur des supports matériels, se trouve donc par cela même extériorisée, et c’est du dehors qu’elle agit sur nous. Les voies de communication qui ont été construites avant nous impriment à la marche de nos affaires une direction déterminée, suivant qu’elles nous mettent en rela- tions avec tels ou tels pays. L’enfant forme son goût en entrant en contact avec les monuments du goût national, legs des géné- rations antérieures. Parfois même, on voit de ces monuments (lisparaîlre pendant des siècles dans l’oubli, puis, un jour, alors que les nations qui les avaient élevés sont depuis longtemps éteintes, réapparaître à la lumière et recommencer au sein de sociétés nouvelles une nouvelle existence. C’est ce qui caracté- rise ce phénomène très particulier qu’on appelle les Renais- sances. Une Renaissance, c’est de la vie sociale qui, après s’être comme déposée dans des choses et y être restée longtemps latente, se réveille tout à coup et vient changer l’orientation inlellectuclle et morale de peuples qui n’avaient pas concouru à