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Page:Durkheim - Le Suicide, Alcan, 1897.djvu/386

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364 LE SUICIDE. noyées dans la masse des autres; de plus, comme elles diffèrent entre elles, elles se neutralisent et s’effacent mutuellement au cours de Télaboration d’où résulte le phénomène collectif. Il n’y a donc que les caractères généraux de l’humanité qui peuvent être de quelque effet. Or, ils sont à peu près immuables; du moins, pour qu’ils puissent changer, ce n’est pas assez des quel- ques siècles que peut durer une nationXPar conséquent, les condilions sociales dont dépend le nombre des suicides sont les seules en fonction desquelles il puisse varier; car ce sont les seules qui soient variables^ Voilà pourquoi il reste constant tant que la société ne change pas. Cette constance ne vient pas de ce que l’état d’esprit, générateur du suicide, se trouve, on ne sait par quel hasard, résider dans un nombre déterminé de parti- culiers qui le transmettent, on ne sait davantage pour quelle raison, à un même nombre d’imitateurs. Mais c’est que les causes impersonnelles, qui lui ont donné naissance et qui l’en- tretiennent, sont les mômes. C’est que rien n’est venu modifier ni la manière dont les unités sociales sont groupées, ni la nature de leur consensus. Les actions et les réactions qu’elles échan- gent restent donc identiques; par suite, les idées et les senti- ments qui s’en dégagent ne sauraient varier. (Toutefois, il est très rare, sinon impossible, qu’un de ces cou- rants parvienne à exercer une telle prépondérance sur tous les points de la société. C’est toujours au sein de miHeux restreints, où il trouve des conditions particulièrement favorables à son déve- loppement, qu’il atteint ce degré d’énergie J C’est telle condition sociale, telle profession, telle confession rehgieuse qui le sti- mulent plus spécialement. Ainsi s’explique le double caractère du suicide. Quand on le considère dans ses manifestations exté- rieures, on est tenté de n’y voir qu’une série d’événements indépendants les uns des autres; car il se produit sur des points séparés, sans rapports visibles entre eux. Et cependant, la somjne formée par tous les cas particuliers réunis a son unité et son individualité, puisque le taux social des suicides est un trait distinctif de chaque personnalité collective. C’est que, si ces mi- lieux particuliers, où il se produit de préférence, sont distincts