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Page:Durkheim - Le Suicide, Alcan, 1897.djvu/387

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l’élément social du suicide. 365 les uns des autres, fragmentés de mille manières sur toute Té- tendue du territoire, pourtant, ils sont étroitement liés entre eux; car ils sont des parties d^n même tout et comme des organes d’un même organismejL’état où se trouve chacun d’eux dépend donc de l’état général de la société; il y a une intime solidarité entre le degré de virulence qu’y atteint telle ou telle tendance et l’intensité qu’elle a dans l’ensemble du corps social. L’altruisme est plus ou moins violent à l’armée suivant ce qu’il est dans la population civile (*); l’individualisme intellectuel est d’autant plus développé et d’autant plus fécond en suicides dans les milieux protestants qu’il est déjà plus prononcé dans le reste de la nation, etc. Tout se tientj Mais si, en dehors de la vésanie, il n’y a pas d’état individuel qui puisse être regardé comme un facteur déterminant du sui- cide, cependant, il semble bien qu’un sentiment collectif ne puisse pénétrer les individus quand ils y sont absolument réfractaires. [Qn pourrait donc croire incomplète l’explication précédente, tant que nous n’aurons pas montré comment, au moment et dans les milieux précis où les courants suicidogènes se développent, ils trouvent devant eux un nombre suffisant de sujets accessibles à leur influence^ Mais, à supposer que, vraiment, ce concours soit toujours né- cessaire et qu’une tendance collective ne puisse pas s’imposer de haute lutte aux particuliers indépendamment de toute prédisposi- tion préalable, cette harmonie se réalise d’elle-même; car les causes qui déterminent le courant social agissent en même temps sur les individus et les mettent dans les dispositions convenables pour qu’ils se prêtent à l’action collective.! Il y a entre ces deux ordresL de facteurs une parenté naturelle, par cela même qu’ils dépendent d’une même cause et qu’ils l’expriment : c’est pour- quoi ils se combinent et s’adaptent mutuellement^- L’hypercivi- lisation qui donne naissance à la tendance anomique et à la ten- dance égoïste a aussi pour effet d’affiner les systèmes nerveux, de les rendre délicats à l’excès; par cela même, ils sont moins capables de s’attacher avec constance à un objet défini, plus (l) V. plus haut, p. 255-57.