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Page:Durkheim - Le Suicide, Alcan, 1897.djvu/397

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LE SUICIDE ET LES AUTRES PHENOMENES SOCIAUX. 37S nous apprend que, d’après les livres des pontifes, quiconque s’était pendu était privé de sépulture. Les statuts d’une confré- rie religieuse de Lanuvium édictaient la même pénalité (*?. D’a- près Tannaliste Cassius Hermina, cité par Servius, Tarquin le Superbe, pour combattre une épidémie de suicides, aurait or- donné de mettre en croix les cadavres des suppliciés et de les abandonner en proie aux oiseaux et aux animaux sauvages (2). L’usage de ne pas faire de funérailles aux suicidés semble avoir persisté, au moins en principe, car on lit au Digeste : Non so- ient autem lugeri suspendiosi nec qui maniis sibi inhderunt^ non fâsdio vitœ, sed mala conscientia (3). Mais, d’après un texte de Quintilien (*), il y aurait eu à Rome, jusqu’à une époque assez tardive, une institution analogue à celle que nous venons d’observer en Grèce et destinée à tem- pérer les rigueurs des dispositions précédentes. Le citoyen qui voulait se tuer devait soumettre ses raisons au Sénat qui déci- dait si elles étaient acceptables et qui déterminait même le genre de mort. Ce qui permet de croire qu’une pratique de ce genre a réellement existé à Rome, c’est que, jusque sous les empereurs, il en survécut quelque chose à l’armée. Le soldat qui tentait de se tuer pour échapper au service était puni de mort; mais s’il pouvait établir qu’il avait été déterminé par quelque mobile ex- cusable, il était seulement renvoyé de l’armée (^). Si, enfin, son acte était dû aux remords que lui causait une faute militaire, son testament était annulé et ses biens revenaient au fisc W. Il n’est pas douteux du reste que, à Rome, la considération des mo- tifs qui avaient inspiré le suicide a joué de tout temps un rôle prépondérant dans l’appréciation morale ou juridique qui en était faite. De là le précepte : « Et merito, si sine causa sibi maniis intulit, piiniendiis est : qui enim sibi non pepefxit, muito (1) V. Lasaulx, (leber die Bûcher des Koenigs Niinia, dans ses Etudes d’antiquité classique. Nous citons d’après Geiger, p. 63. (2) Servias, loc. cit. — Pline, Hist. nat. XXXVI, 24. (3) III, tit. II, liy. il, § 3. (4) Inst. omt., VII, 4, 39. — Declam. 337. (5) Digeste, liv. XLIX, tit. xvi, loi 6, § 7. (6) Ihid., liv. XXVIII, tit. m, loi 6, § 7.