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Page:Durkheim - Le Suicide, Alcan, 1897.djvu/447

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CONSÉQUENCES PRATIQUES. 425 II. Quelques auteurs ont préconisé le rétablissement des peines comminatoires qui étaient autrefois en usage (0. Nous croyons volontiers que notre indulgence actuelle pour le suicide est, en effet, excessive. Puisqu’il offense la morale, il devrait être repoussé avec plus d’énergie et de précision et cette réprobation devrait s’exprimer par des signes extérieurs et dé- finis, c’est-à-dire par des peines. Le rehichement de notre sys- tème répressif sur ce point est, par lui-même, un phénomène anormal. Seulement, des peines un peu sévères sont impossibles : elles ne seraient pas tolérées par la conscience publique. Car le suicide est, comme on Ta vu, proche parent de véritables vertus dont il n’est que l’exagération. L’opinion est donc facilement partagée dans les jugements qu’elle porte sur lui. Comme il pro- cède, jusqu’à un certain point, de sentiments qu’elle estime, elle ne le blâme pas sans réserve ni sans hésitation. C’est de là que viennent les controverses perpétuellement renouvelées entre les théoriciens sur la question de savoir s’il est ou non contraire à la morale. Comme il se rattache par une série continue d’in- termédiaires gradués à des actes que la morale approuve ou tolère, il n’est pas extraordinaire qu’on l’ait cru parfois de même nature que ces derniers et qu’on ait voulu le faire bénéficier de la même tolérance. Un pareil doute ne s’est que bien plus rare- ment élevé pour l’homicide et pour le vol, parce qu’ici la ligne de démarcation est plus nettement tranchée (2). Déplus, le seul fait de la mort que s’est infligée la victime inspire, malgré (1) Entre autres Lisle, op. ciL, p. 437 et suiv, (2) Ce n’est pas que, même dans ces cas, la séparation entre les actes mo- raux et les actes immoraux soit absolue. L’opposition du bien et du mal n’a pas le caractère radical que lui prête la conscience vulgaire. On passe tou- jours de l’un à l’autre par une dégradation insensible et les frontières sont sou- vent indécises. Seulement, quand il s’agit de crimes avérés, la distance est grande et le rapport entre les extrêmes moins apparent que pour le suicide.