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Page:Durkheim - Le Suicide, Alcan, 1897.djvu/448

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426 LE SUICIDE. tout, trop de pitié pour que le bUime puisse être inexorable. Pour toutes ces raisons, on ne pourrait donc udicter que des peines morales. Tout ce qui serait possible, ce serait de refuser au suicidé les honneurs d’une sépulture régulière, de retirer à l’auteur de la tentative certains droits civiques, politiques ou de fanfîille, par exemple certains attributs du pouvoir paternel et l’éligibilité aux fonctions publiques. L’opinion accepterait, croyons-nous, sans peine, que quiconque a tenté de se dérober à ses devoirs fondamentaux, fût frappé dans ses droits corres- pondants. Mais quelque légitimes que fussent ces mesures, elles ne sauraient jamais avoir qu’une influence très secondaire; il est puéril de supposer qu’elles puissent suffire à enrayer un courant d’une telle violence. D’ailleurs, à elles seules, elles n’atteindraient pas le mal à sa source. En effet, si nous avons renoncé à prohiber légalement le suicide, c’est que nous en sentons trop faiblement l’immora- lité. Nous le laissons se développer en liberté parce qu’il ne nous révolte plus au même degré qu’autrefois. Mais ce n’est pas par des dispositions législatives que l’on pourra jamais ré- veiller notre sensibilité morale. 11 ne dépend pas du législateur r(u’unfait nous apparaisse ou non comme moralement haïssable. Quand la loi réprime des actes que le sentiment public juge inoffensifs, c’est elle qui nous indigne, non l’acte qu’elle punit. Notre excessive tolérance à l’endroit du suicide vient de ce que, comme l’état d’esprit d’où il dérive s’est généralisé, nous ne pouvons le condamner sans nous condamner nous-mêmes; nous en sommes trop imprégnés pour ne pas l’excuser en partie. Mais alors, le seul moyen de nous rendre plus sévères est d’agir directement sur le courant pessimiste, de le ramener dans son lit normal et de l’y contenir, de soustraire à son action la g(}néralité des consciences cl de les raffermir. Une ibis qu’elles auj-ont retrouvé leur assiette morale, elles réagiront comme il convient contre tout ce qui les offense. Il ne sera plus néces- saire d’imaginer de toutes pièces un système ro[)ressif ; il s’ins- tituera de ]ui-?nème sous la pression des besoins. Jusque-là, il serait arliliciel et, par cons(k|ueiit, sans grande utilité.