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Page:Durkheim - Le Suicide, Alcan, 1897.djvu/458

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436 LE SUICIDE. ment raora^ et, étant donnée Tinsuffisance actuelle des autres groupes, elle est seule à pouvoir remplir cet indispensable office. Mais, pour qu’elle ait cette influence, il faut qu^elle soit orga- nisée sur de tout autres bases qu’aujourd’hui. D’abord, il est essentiel que, au lieu de rester un groupe privé que la loi permet, mais que l’État ignore, elle devienne un organe défini et reconnu de potre vie publique. Par là, nous n’entendons pas dire qu’il faille nécessairement la rendre obligatoire; mais ce qui importe, c’est qu’elle soit constituée de manière à pouvoir jouer un rôle social, au lieu de n’exprimer que des combinaisons diverses d’intérêts particuliers. Ce n’est pas tout. Pour que ce cadre ne reste pas vide, il faut y déposer tous les germes de vie qui sont de nature à s’y développer. Pour que ce groupement ne soit pas une pure étiquette, il faut lui attribuer des fonctions déterminées, et il y en a qu’il est, mieux que tout autre, en état de remplir. ■ Actuellement, les sociétés européennes sont placées dans cette

alternative ou de laisser irréglementée la vie professionnelle ou 

de la réglementer par l’intermédiaire de TÉtat, car il n’est pas d’autre organe constitué qui puisse jouer ce rôle modérateur. Mais l’Etat est trop loin de ces manifestations complexes pour trouver la forme spéciale qui convient à chacune d’elles. C’est une lourde machine qui n’est faite que pour des besognes géné- rales et simples. Son action, toujours uniforme, ne peut pas se plier et s’ajuster à l’infinie diversité des circonstances particu- lières. Il en résulte qu’elle est forcément compressive et nive- leuse. Mais, d’un autre côté, nous sentons bien qu’il est impos- sible de laisser à Tétat inorganisé toute la vie qui s’est ainsi dégagée. Voilà comment, par une série d’oscillations sans terme, nous passons alternativement d’une réglementation autoritaire, que son excès de rigidité rend impuissante, à une abstention systématique, qui ne peut durer à cause de l’anarchie qu’elle pro- voque. Qu’il s’agisse de la durée du travail ou de l’hygiène, ou des salaires, ou des œuvres de prévoyance et d’assistance, par- tout les bonnes volontés viennent se heurter à la même diffi- culté. Dès qu’on essaie d’instituer quelques règles, elles se