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et cependant, elles sont divisées en deux phratries qui se subdivisent à leur tour en un certain nombre de clans : phratries du Corbeau et du Loup chez les Tlinkit[1], de l’Aigle et du Corbeau chez les Haida[2]. Et cette division n’est pas simplement nominale ; elle correspond à un état toujours actuel des mœurs et marque profondément la vie. La distance morale qui sépare les clans est peu de chose à côté de celle qui sépare les phratries[3]. Le nom que chacune d’elles porte n’est pas seulement un mot dont on a oublié ou dont on ne sait plus que vaguement le sens ; c’est un totem dans toute la force du terme ; il en a tous les attributs essentiels, tels qu’ils seront décrits plus loin[4]. Sur ce point encore, par conséquent, il y avait intérêt à ne pas négliger les tribus d’Amérique, puisque nous pouvons y observer directement de ces totems de phratries dont l’Australie ne nous offre plus que d’obscurs vestiges.

II

Mais le totem n’est pas seulement un nom ; c’est un emblème, un véritable blason, dont les analogies avec le blason héraldique ont été souvent remarquées. « Chaque

  1. Krauss, Die Tlinkit-Indianer, p. 112 ; Swanton, Social Condition, Beliefs a. Linguistic Relationship of the Tlingit Indians in XXVIth Rep., p. 398.
  2. Swanton, Contributions to the Ethnology of the Haida, p. 62.
  3. « The distinction between the two clans is absolute in every respect », dit Swanton, p. 68 ; il appelle clans ce que nous nommons phratries. Les deux phratries, dit-il ailleurs, sont, l’une par rapport à l’autre, comme deux peuples étrangers.
  4. Le totem des clans proprement dits est même, au moins chez les Haida, plus altéré que le totem des phratries. L’usage, en effet, permettant à un clan de donner ou de vendre le droit de porter son totem, il en résulte que chaque clan a une pluralité de totems dont quelques-uns lui sont communs avec d’autres clans (v. Swanton, p. 107 et 268). Parce que Swanton appelle clans les phratries, il est obligé de donner le nom de famille aux clans proprement dits, et de houssehold aux familles véritables. Mais le sens réel de la terminologie qu’il adopte n’est pas douteux.