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fléaux qui puissent s’abattre sur une tribu. D’autres événements se produisent, plus ou moins périodiquement, qui menacent ou paraissent menacer l’existence collective. C’est le cas, par exemple, de l’aurore australe. Les Kurnai croient que c’est un feu allumé dans le ciel par le grand dieu Mungan-ngaua ; c’est pourquoi, quand ils l’aperçoivent, ils ont peur que l’incendie ne s’étende à la terre et ne les dévore. Il en résulte une grande effervescence dans le camp. On agite une main desséchée de mort à laquelle les Kurnai attribuent des vertus variées, et on pousse des cris tels que : « Renvoie-le ; ne nous laisse pas brûler », En même temps, ont lieu, sur l’ordre des vieillards, des échanges de femmes, ce qui est toujours l’indice d’une grande excitation[1]. Les mêmes licences sexuelles sont signalées chez les Wiimbaio toutes les fois qu’un fléau paraît imminent, et notamment en temps d’épidémie[2].

Sous l’influence de ces idées, les mutilations ou effusions de sang sont parfois considérées comme un moyen efficace pour guérir les maladies. Chez les Dieri, quand il arrive un accident à un enfant, ses proches se donnent des coups sur la tête soit avec un bâton soit avec un boomerang, jusqu’à ce que le sang coule sur leur visage. On croit, par ce procédé, soulager l’enfant de son mal[3]. Ailleurs, on s’imagine obtenir le même résultat au moyen d’une cérémonie totémique supplémentaire[4]. On peut rapprocher de ces faits l’exemple, cité plus haut, d’une cérémonie spécialement célébrée pour effacer les effets d’une faute rituelle[5]. Sans

  1. Howitt, Nat. Tr., p. 277 et 430.
  2. Ibid., p. 195.
  3. Gason, The Dieyerie Tribe, in Curr, II, p. 69. Le même procédé est employé pour expier un ridicule. Quand une personne, par sa maladresse ou autrement, a excité le rire des assistants, elle demande à l’un d’eux de la frapper sur la tête jusqu’à ce que le sang coule. À ce moment, les choses sont remises en l’état et la personne dont on se moquait participe elle-même à la gaieté de son entourage (ibid., p. 70).
  4. Eylmann, p. 212 et 447.
  5. V. plus haut, p. 551.