Page:Durkheim - Qui a voulu la guerre ?.djvu/39

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tombât pas sous la dépendance politique de l’Autriche. Que des assurances fussent données sur ce point, et la paix n’était guère douteuse. Mais quand M. Sazonoff demanda au Gouvernement allemand de l’aider à les obtenir, il essuya un refus. M. de Pourtalès, avec qui il eut une conversation à ce sujet le 29 juillet, se borna à lui répondre qu’il transmettrait sa demande à Berlin, mais qu’il ne pouvait rien faire de plus. Il ajouta même que, en faisant cette proposition, on demandait à l’Allemagne « de faire, par rapport à l’Autriche, ce qu’on reprochait à l’Autriche de vouloir faire par rapport à la Serbie : on voulait attenter à sa souveraineté. En déclarant qu’elle n’avait aucune prétention territoriale, l’Autriche s’était engagée à tenir compte des intérêts russes : grande concession de la part d’un État engagé dans une guerre ! On devait donc lui permettre de régler seule ses affaires avec la Serbie. Il serait toujours temps, quand se tiendrait la Conférence de la paix, de revenir à la question de savoir si et dans quelle mesure la souveraineté de la Serbie devrait être épargnée »[1].

La politique réelle de l’Allemagne ne concordait donc aucunement avec son langage : tout en protestant d’un vif désir de sauvegarder la paix, elle rejetait tous les moyens proposés pour arriver à ce but et n’en suggérait aucun autre. Les principes dont s’inspirait le Gouvernement allemand expliquent cette ambiguïté. Suivant lui, en effet, la Russie n’était pas fondée à intervenir, mais devait se désintéresser

  1. L. B., p. 9. — On lit pourtant dans la Préface du Livre Blanc : « À notre suggestion, l’ambassadeur austro-hongrois reçut des instructions le 29 juillet pour entrer en conversation avec M. Sazonoff. Le comte Szapary était autorisé à expliquer au ministre russe la note adressée à la Serbie, et à accepter toute suggestion venant de la Russie, aussi bien qu’à discuter avec M. Sazonoff toutes les questions concernant les relations austro-russes (p. 10). » On vient de voir quel langage l’ambassadeur allemand tint à M. Sazonoff justement le 29 juillet : il n’y est pas trace des dispositions conciliantes que, au même moment, le Gouvernement de Berlin aurait suggérées au cabinet de Vienne. D’ailleurs, le 29, le comte Berchtold venait de refuser toute conversation directe avec la Russie. On voit quel respect le Livre Blanc a pour la vérité. Bien entendu, d’ailleurs, il ne cite aucune pièce à l’appui de son affirmation.