Page:Durkheim - Qui a voulu la guerre ?.djvu/67

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nière Puissance, mais sans qu’aucune explication soit donnée sur les causes qui l’ont déterminée. Il en résulte tout naturellement qu’elle paraît s’être produite tout à coup, sans justification d’aucune sorte, au moment même où l’Empereur Guillaume daignait s’employer comme médiateur. Ainsi présentée, elle fait l’effet d’un acte de perfidie. Pour rétablir la vérité, il suffit de rétablir les faits systématiquement omis. Alors, la persévérance de l’Allemagne à écarter, les uns après les autres, tous les moyens possibles de conserver la paix apparaît avec évidence, et, en même temps, l’acte de la Russie perd le caractère agressif qu’on voulait lui imputer pour devenir une simple mesure de défense.

En résumé, il n’existe pas à l’actif de l’Allemagne un seul geste sérieux de paix, mais rien que de vaines paroles. Au contraire, tous les actes qui ont, peu à peu, orienté la crise vers la guerre — note autrichienne, refus de toute prorogation du délai, déclaration de guerre à la Serbie, rejet des transactions proposées, première sommation à la Russie, ultimatum suivi de la déclaration de guerre — tout cela a été ou directement voulu par elle ou fait avec son appui et sa complicité. Au début, elle est derrière l’Autriche dont elle soutient la politique agressive ; puis, une fois qu’elle a pris elle-même l’affaire en main, c’est elle aussi qui prend les décisions suprêmes et qui les impose à son alliée, alors hésitante et troublée. C’est donc elle la grande coupable.

On a objecté que l’Empereur Guillaume avait, à plusieurs reprises, témoigné, par des actes, de son attachement à la paix : son passé, dit-on, ne permet donc pas de lui prêter des intentions belliqueuses que dément tout son caractère. Mais c’est oublier que les hommes changent avec l’âge et avec les circonstances. Et en effet, il y a des raisons de croire que Guillaume II avait changé, que, vers la fin de 1913, l’ancien champion de la paix s’était ouvert à des idées de guerre. C’est l’impression que laisse une conversation qu’il eut avec le roi de Belgique, en présence du général de Moltke ; M. Cambon, qui dit la tenir d’une source absolument sûre, la