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amour vainqueur

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de se tenir prêts, car les portes des cellules s’ouvrent et se referment, aussitôt ; à peine le cri du prisonnier avertisseur s’est-il fait entendre, «  Catholic church ! Catholic Church ! » que les portes s’ouvrent et se referment ! Quelle heure est-il ? on ne le sait pas ; pleut-il ? on ne le sait pas ; les prisonniers qui comme moi, attendent leurs procès, sont dans la plus grande solitude, et souvent ils sont là, des mois et des mois. Je me demande, parfois, si les juges comprennent leurs devoirs ! Ont-ils reçu la mission de tuer, ou d’appliquer la loi, ou de se faire les instruments des vengeurs ? Les consolations que tu m’apportes, sont au-delà de tout ce que je pourrais te dire ! Être renfermé du matin au soir, du soir au matin, dans un espace étroit, ou tantôt il fait trop chaud, tantôt il fait trop froid et où il faut tout endurer, tout souffrir ! la nourriture est celle que ne donne pas, en général, un citoyen, à son propre chien.

Ma chère amie, je te demande de ne pas me laisser ; reviens, mon courage se renouvelle à ta vue ; J’ai reçu tes fleurs ; tu as été bien gentille, bien bonne de penser à exécuter une promesse que tu m’avais faite, quand conversant avec toi, un an auparavant je te déclarais, alors que le chauffeur de notre automobile, s’était trompé de chemin, et que nous avions rebroussé chemin, à la prison de Bordeaux, je te disais : S’il fallait que jamais je ne vienne ici, tu me répondais : J’irais te jeter des fleurs, par la fenêtre ! Elles sont belles ; leur parfum remplit l’air de ma froide cellule ! Comme je suis heureux, de constater qu’au moins, une âme, une petite étrangère, pense à moi ! toi ma chère amie.

Veuille excuser le papier, car, ici, à Bordeaux, nous n’en avons pas le choix ; J’ai écrit sur le papier dont tu t’es servi pour envelopper mes effets.

Merci, Ninie pour ton estime, merci pour ton trouble, merci pour tes paroles de consolation et d’espérances.

J’inclus ici, même une poésie d’Alfred de Musset, le Mie Prigioni, qui te donnera une idée de la prison. Mais je t’assure que ce n’est qu’une faible image de la réalité !