un peu avec quelques unes des jeunes filles. Il est gai, parleur et il aime à badiner, mais il ne fait la cour qu’à toi, et tu es trop folle pour t’en apercevoir.
Marie-Louise commençait à se demander si son père avait en effet raison. Elle crut se rappeler que Théophile lui avait murmurer à l’oreille quelquefois des compliments plus ou moins banals, et qu’il l’avait peut-être regardée avec des yeux assez doux.
— Mais il fait pourtant la même chose avec toutes les filles. Je le sais bien, enfin, se dit-elle en elle-même.
Papa croit qu’il n’y a que moi de remarquable et d’agréable dans tout le village.
Elle réfléchit encore quelques instants. Enfin elle reprit en regardant franchement son père.
— Je ne sais pas si vous avez raison, papa, mais que M. Théophile m’aime ou ne m’aime pas, cela m’est égal. Je ne l’aime pas moi, et je ne voudrais jamais devenir sa femme.
Le visage de M. Bernier devint sévère et dur, à cette déclaration nette et franche.
— Comment, dit il d’un ton indigné, tu oses me parler comme cela, toi, ma fille ? Toi, que j’ai toujours aimée plus que moi même ; toi pour qui j’ai travaillé pendant de longues années afin de t’enrichir, toi dont j’ai toujours accompli les désirs et prévenu les moindres caprices ? Est-ce bien toi qui me parles comme cela ? Est-ce ainsi que tu dis non, sans réfléchir et sans considérer, à la première demande que je t’adresse depuis que tu es au monde ?
Ne crains-tu pas que le Ciel te punisse de ton ingratitude ?
Puis voyant Marie-Louise devenir de plus en plus pâle et tremblante, il changea tout à coup de ton et d’attitude.
— Pardonnes-moi, ma fille chérie, les dures paroles que je viens de prononcer. Je me suis emporté trop vite. Qu’il ne soit pas question de moi dans cette affaire. Qu’est-ce que je suis moi, dans ta jeune vie ? Rien qu’un pauvre vieillard qui ne peut vivre bien longtemps et que tu ne tarderas pas à oublier, quand il ne sera plus dans ce monde.
Voyant sa fille suffisamment agitée par le remord et le sentiment de son ingratitude cruelle envers le pauvre vieillard prêt à quitter le monde, il continua.
— Tout ce que je désire, c’est ton bien, c’est ton bonheur. Voila ma seule ambition sur la terre.
Je sais que Théophile Laplante