Page:E. Daudet - Le Duc de Broglie, 1883.djvu/12

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qu’Albert est charmant et fait de son mieux. Je ne sais quelle étincelle est restée là de l’esprit doux et persévérant qui animait tout autrefois. »

Cette allusion émue et délicate à celle qui fut la mère d’Albert de Broglie révèle en quelques mots les grandes qualités qu’elle lui a léguées. Il avait quinze ans quand il eut la douleur de la perdre. Peut-être est-ce ce pénible événement qui a enveloppé sa jeunesse d’une tristesse à laquelle d’autres deuils ont ajouté des causes nouvelles. Elle appartenait à la religion protestante ; le milieu où elle vivait, où son mari apportait les mœurs correctes et froides des parlementaires de cette époque, ce milieu où Albert de Broglie passa son enfance et sa première jeunesse était austère. Mais cette austérité n’enlevait rien à la grâce exquise de cette femme exceptionnelle, d’un caractère si fort, d’un esprit si supérieur que le souvenir en est demeuré inoubliable dans la mémoire de ceux qui l’ont connue et parmi lesquels aucun ne put l’approcher sans s’attacher à elle. En la perdant, Albert de Broglie eût tout perdu, si son père ne lui était resté. Il retrouva près de lui les mêmes exemples, les mêmes traditions, les mêmes enseignements qu’il avait