Page:E. Daudet - Le Duc de Broglie, 1883.djvu/34

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de réelles jouissances qu’à leurs auditeurs et dont l’improvisation perd à être lue, le duc de Broglie peut soumettre hardiment ses discours au jugement du lecteur. La forme en est si pure, si châtiée, qu’on goûte à les lire le même plaisir qu’à lire une page de belle littérature. La phrase coule forte, nourrie d’images, toujours élégante et élevée. Plus éloquent en attaquant qu’en se défendant, le duc de Broglie a poussé loin l’art de porter le fer et le feu dans le camp ennemi. Comme un assiégé impatient de franchir les murailles derrière lesquelles l’adversaire cherche à le contenir, il se répand en sorties et ses coups redoutables frappent là où on ne les prévoit pas. Il y a une science réelle dans sa manière de riposter, dans l’agilité avec laquelle il se dégage, dans cette faculté de résistance qui ne s’épuise jamais et qui faisait dire à Gambetta :

— Il y a du plaisir à combattre contre lui, car il a un rude estomac.

Nul ne manie l’ironie ainsi qu’il le fait, et c’est merveille de le voir poursuivre son adversaire de ses railleries impitoyables. Aussi, depuis qu’il siège dans les Chambres, les jours où il doit parler sont des jours de fête pour les