Page:E. Daudet - Le Duc de Broglie, 1883.djvu/35

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amateurs d’éloquence. Les défauts dont nous parlions plus haut sont vite oubliés, et dans cet orateur tour à tour fécond, délicat, puissant, tout auditeur non prévenu, tout auditeur impartial est tenu de saluer un maître écrivain, dont l’improvisation revêt une perfection égale à celle des pages qui sortent de sa plume. Si merveilleuse que soit cette faculté, le duc de Broglie ne l’exerce plus guère aujourd’hui. Quoique demeuré dans le Sénat et empêché ainsi de se désintéresser des luttes quotidiennes de la politique, c’est un vaincu, un vaincu dont l’armée est dispersée, qui ne compte plus autour de lui que de rares soldats, parmi lesquels il ne saurait recruter une majorité et qui a renoncé, quant à présent, à prendre une revanche. Il sait que dans l’Assemblée, où son parti n’existe plus qu’à l’état de minorité, l’attention qu’on lui prête quand il parle est un hommage rendu à son caractère comme à son talent, et non l’expression d’un désir de puiser dans son langage une conviction nouvelle ; il ne croit plus pouvoir convertir qui que ce soit, et, quand il prend la parole, c’est en quelque sorte une satisfaction intime, toute platonique, qu’il se donne. Mais, assurément, personne ne