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LIVRE VII.

vie universelle, je me serais fait conscience d’entretenir de leurs débats le lecteur, que je suppose d’ailleurs très-préoccupé de lui-même.

III

Les étoiles palissaient, le soleil était près de se lever quand Merlin rouvrit les yeux. Il s’aperçut qu’il était dans la forêt enchantée, où il avait coutume de visiter les créatures idéales dont il était le roi. Son premier mouvement, en reconnaissant ces lieux, ne fut pas sans douceur ; car il crut un moment qu’il était dépouillé du poids accablant de l’existence réelle, et qu’il allait se confondre avec ces êtres imaginaires et flotter avec eux entre le néant et la réalité.

Autant il était heureux auparavant d’être en possession de l’existence entière, autant alors il eût désiré n’être plus qu’un spectre, une larve. Déjà il se jurait à lui-même de ne plus sortir de la compagnie des personnages aériens qu’il avait connus dans la profondeur de ces forêts. Longtemps il cherche, il appelle, mais en vain ; toutes ces formes célestes qui, autrefois, accouraient d’elle-mêmes au-devant de lui, avaient disparu. Aucune ne répondit à sa voix. Il entendit pourtant au loin un bruit de hache dans un massif de vieux chênes moussus. Il se hâta de ce côté.

« Est-ce vous, s’écria-t-il, génies heureux, qui n’avez