Page:E. Quinet - Merlin l'Enchanteur, 1860.djvu/363

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
351
LIVRE X.

dessus la matière ? Où veux-tu parvenir en répandant autour de toi la sérénité des anciens jours ? Sottes idées, caduques, usées jusqu’à la corde, qui ne rapportent plus ce qu’elles coûtent. Tu vis trop solitaire, tu ne comprends plus ton époque, elle te dépasse de cent coudées, elle te devance, mon cher. Te voilà encore à regretter la lumière, malheureux ! Quelle vieillerie ! Allons, rends-toi donc au moins possible, que diable ! Tu ne connais pas les joies nouvelles, les délices des abîmes nouvellement découverts par moi, ni l’ivresse de celui qui se nourrit des derniers fruits des ténèbres. Tu n’imagines pas la volupté d’être bercé sur le giron de la nuit immaculée, notre mère commune, de rouler, de surprises en surprises, dans les gouffres issus des gouffres, d’embrasser, de creuser, d’amplifier, de perfectionner le néant, car l’enfer est en progrès. Nous y avons beaucoup ajouté : des galeries entières qui surplombent l’une sur l’autre à l’infini, des lacs et des mers d’angoisses qui n’ont point de rivage. Le ver du sépulcre aussi a grandi ; tu ne le reconnaîtras plus, et ce n’est encore là qu’un commencement… Mais, que dis-je ? avoue que tu as maintenant du goût pour la clarté correcte. Fais-moi seulement cette confession.

— Je l’avoue, je tâche de voir clair, au moins en moi-même.

— Bien ! Cette extravagance manquait à toutes les autres. Mais quoi ! cervelle éventée, veux-tu donc ramener l’Éden ?

— Ce serait un de mes mille désirs.