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MERLIN L’ENCHANTEUR.

Déjà chacun a couru où son inclination le pousse. Turpin va d’église en église, de cloître en cloître, de Saint-Jean de Latran au Vatican. Jacques a entendu la musette des Pifferari qui descendent de la Sabine. Suspendu à ce concert rustique dans l’ombre de la madone, il a tout oublié ; il nage dans l’extase.

Merlin visite les fontaines sacrées, jaillissantes sur les places désertes, au pied des obélisques et des ruines ; il respire dans les giroflées et les plantes murales du Colisée, l’âme des ancêtres. Car il semble, en arrivant dans ces lieux, que ce soit assez pour les vivants de marcher sur la poussière de si grands morts.

Qui sait combien ce genre de vie se serait prolongé, au gré de nos pèlerins, sans un incident facile à prévoir ? La voix qui avait été entendue dans les Apennins avait retenti sur le Tibre. La rumeur se répandit dans Rome que Merlin était un sorcier livré à toutes les pratiques de l’enfer.

Comme notre enchanteur cueillait des marguerites des prés dans les Thermes de Caracalla dont il aimait particulièrement la sauvage grandeur, des soldats vinrent le saisir. Après l’avoir lié (car il les laissa faire), ils le conduisent au fort Saint-Ange, qui de sépulcre était devenu prison.

Comptant sur la faiblesse connue de Jacques, les juges le firent saisir presque en même temps ; c’est lui qu’ils interrogèrent le premier. À la vue des tenailles et des chaudières, Jacques sentit chanceler sa foi dans son maître. Quand un des docteurs lui demanda :