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MERLIN L’ENCHANTEUR.

— Et encore ?

— D’avenir.

— Beau roi de l’avenir, que fais-tu ici ?

— Je brave le présent. »

Puis, ayant avisé les tenailles qui étaient là pour le torturer, Merlin s’interrompit afin de les regarder de plus près. Il les mania et en frappa les chaudières, qui retentirent sous les galeries colossales et sous les vomitoires du cirque.

« Grand Dieu ! qu’est ceci ? dit-il. Sans doute, ce sont vos chaudières magiques. Montrez-moi aussi un de vos enchantements.

— Curieux comme l’enfer ! s’écria Blasius qui commença à l’exorciser en ces termes :

« Anima Abyssi, nomine Merlinus, retrogredere in Abyssum ! »

En même temps la foule soulevait, agitait ses mille bannières. Elle disait aux sept collines, aux quatre vents : « Rendons à l’enfer son Christ infernal. » Et elle riait aux éclats.

La moquerie des peuples fit alors ce que n’avait pu leur colère. Ce froid ricanement partagea, mieux qu’un glaive, l’âme de Merlin. Ce fut là sa sueur de sang. Défaillant et mourant, il cherchait en lui le prophète ; et, ne le trouvant plus sous leur risée, il s’écria dans l’agonie :

« Pleurez sur moi, collines d’ivraie, ruines inhabitées, îles, maremmes, puisque les yeux des hommes restent secs ! Mon esprit m’abandonne. Dans les siècles des siècles, l’avenir désert ne m’offre pas un seul abri.