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LIVRE XI.

Sur la colonne Antonine, sur la Trajane et sur les obélisques, les cobolds firent la vigie. Les fées de Bretagne choisirent pour se loger la villa Borghèse, la villa Pamphili, les cyprès du mont Mario, l’escalier de la Trinita dei Monti, le palais de Venise et nombre de cloîtres aux petites colonnades torses, cannelées où elles se plaisaient à se promener dans leurs chars de nacre, en regardant, sur les murailles, les vieilles mosaïques qui reluisaient d’or, de vermillon et de carmin au soleil. Pour les stryges et les sorcières de France, d’Angleterre, d’Allemagne, partie s’établirent dans les tavernes, partie dans les hôtelleries ; toutes, chevauchant sur leurs manches à balai, firent la ronde du sabbat autour des sept collines.

Cette armée couvrait ainsi la campagne de Rome ; l’air en était obscurci. Turpin s’oublia à en faire le dénombrement. Ce n’étaient que chuchotements, chamaillis de voix étranges : l’un criait, l’autre bramait ; tel essayait de rugir. On entendait à la fois siffler, piauler, glapir, coasser, croasser et criailler avec des mots humains ; tous semblaient dire en regardant Merlin : « Malheur à qui le touche ! »

Les aigles qui sortaient des rochers de Cambrie et qui avaient aiguisé leurs becs sur les tombeaux romains croyaient que le dernier jour du Christ était arrivé. Pleins de la colère dont les avait nourris les bardes, ils planaient, le cou tendu, au-dessus des sept collines, et ils disaient à leurs petits :

« Venez ! Ce n’est pas de la chair de chien, de brebis