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LIVRE XI.

puissants encore. Dans tous les cas, il n’était pas si malaisé de rester homme de bien tel que je m’étais plu à te regarder jusqu’à ce jour. »

Entendant derrière lui un hurlement, il ajouta :

« Ah ! Jacques ! mon chien que voici m’est resté fidèle, et toi tu m’as livré. »

Ces derniers mots, prononcés avec bonté, mirent fin à l’endurcissement passager de Jacques. Il tomba en pleurant aux pieds de son maître :

« Malheur à moi ! Qui suis-je pour avoir livré mon bienfaiteur ? Du moins, je ne l’ai pas vendu pour de l’argent.

— Ne t’en fais pas même accroire sur ce point, pauvre Jacques !

— Non, seigneur, je n’ai pas reçu les trente deniers.

— Te les a-t-on offerts ? »

Ces paroles brisèrent le cœur de Jacques ; il reprit :

« Eh bien oui, seigneur Merlin, accusez, jugez, condamnez : j’ai mérité tout cela, pis encore. Il n’est que trop vrai que vous ne ferez jamais rien de moi. Je ne sais ce qui me pousse à mal faire. Je vois qu’il ne me reste qu’à me noyer. »

Sur cela, Jacques désespéré s’élança vers le pont Lamentano. Il allait se précipiter dans le Teverone quand Merlin, plus prompt que l’éclair, le retint d’une main forte.

« Tu te repens, pauvre Jacques ? Voilà tout ce que je demande de toi.

— Laissez-moi, seigneur, je suis un misérable, indigne