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LIVRE XV.

vaisseau ailé ; abordant à Missolonghi, il chantera sur ma harpe d’airain son chant du cygne.

« Et Zante, tu pleureras, comme Albion, en apprenant sa mort.

« Cependant, la terre des myrtes fleurira. Les vierges de Morée, échappées au yatagan, danseront en se tenant par la main, sur la cime aplanie de l’Itôme ; un peuple nouveau surgira de la poussière, à la place de l’ancien. »

À la voix de Merlin, Marina pleurait sans savoir pourquoi. Les autres tressaillaient jusque dans le fond de leur cœur ; car l’impatience du lointain avenir les avait tous saisis. Ils ressemblaient à des hommes dévorés d’une soif brûlante qui se hâtent vers des sources cristallines, avec la crainte de ne pouvoir les atteindre !

« Comment ferons-nous pour combattre ? Nous n’avons pas entre nous un yatagan, s’écria un klephte de Souli.

— Qu’importe ! répondit Merlin ; je vous en fournirai d’abord mille, et le lendemain, mille encore. »

En témoignage de ces paroles, il leur donna des balles magiques aussi promptes que la foudre, et dont il avait par bonheur une provision. En outre, il leur enseigna à se faire du soc d’une charrue cent épées, d’une faucille dix yatagans, et d’un clou un poignard ; à dresser des embuscades ; dormir debout ; se repaître d’herbes sauvages ; construire des brûlots ; y mettre le feu ; les attacher par des liens de fer aux flancs des noirs vaisseaux.

Après quoi il ajouta, en se tournant vers Marina qui