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MERLIN L’ENCHANTEUR.

chansons agrestes, pareilles aux éclats de voix du loriot et de l’hirondelle marine ; l’histoire grecque : elle n’y montra aucune disposition. Après ces essais divers qui ne produisirent que des larmes, il se contenta de lui apprendre à enfiler des chapelets de bois d’aloès ou de feuillet de roses trempées et durcies au soleil ; ramasser des coquillages ; broder des babouches ; fumer le narguilé ; chasser les tortues ; nourrir les moineaux sur ses lèvres ; regarder l’eau couler ; danser en rond au bord des précipices ; aiguiser un poignard. Telle fut l’éducation, qu’il lui donna.

Lui disait-il qu’il l’aimait ? Il ne le lui dit pas une seule fois ; tenez cela pour certain ; je réponds de lui comme de moi-même.

Il lui cueillait, il est vrai, des bouquets de mûres, sauvages ; il déterrait pour elle des médailles qu’il perçait par le milieu et qu’il enfilait dans sa noire chevelure ; il l’aidait encore, comme le plus modeste, le plus soumis des génies, à écrémer le lait dans les jattes, souffler le feu sous la cendre, puiser l’eau dans la cruche, allumer la lampe devant la Panagia, lancer le caïque à la mer, l’orner de violettes ; hisser, carguer la voile. Même, il la suivait le dimanche à la messe, dans la petite église où officiait derrière un voile d’or, un moine de Ligourio, aux cheveux flottants sur les épaules.

Si elle crut qu’il l’aimait, c’est qu’elle se l’imagina.

Une nuit que tout dormait dans la cabane, une lutte violente s’éleva dans le cœur de notre enchanteur. Con-