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LIVRE XV.

tinuerait-il ses pèlerinages ? quitterait-il Marina ? Voilà ce qu’il agitait en lui-même.

« Et pourquoi la quitter ?… Je serai son protecteur. Démitri est si vieux ! il va mourir à la chute des feuilles. Que fera-t-elle sans lui ?… D’ailleurs, elle est devenue indispensable à mon art. Dans ses yeux si limpides, je lirai les présages mieux qu’en aucune chose du monde. Ses lèvres vermeilles me serviront de talisman. Dans les battements de son cœur, je mesurerai le rhythme divin des mondes. »

Puis, après un court silence, en remuant les tisons du foyer :

« M’obstinerai-je donc à poursuivre, en Viviane, une enchanteresse qui, trop évidemment, se joue de moi ? Est-il sage de convoiter l’impossible ? Ici je trouverai sous ce chaume, non pas la félicité, sans doute, qui ne peut se rencontrer qu’avec Viviane, mais le repos, peut-être aussi l’oubli… Ce pays a été fréquenté par les plus illustres magiciennes, telles que Médée, Canidie, Simœthe, la blonde Périmède… Il conviendrait, assurément, d’y rester pour me perfectionner dans mon art. D’ailleurs, il est mille et mille exemples d’enchanteurs, lesquels se sont engagés dans des liens modestes, témoin Faust, qui a pu se mésallier avec Marguerite, sans que le monde en ait médit. »

Mais à peine ces mots étaient-ils sortis de ses lèvres, une voix, qui était celle de sa conscience, lui cria d’une voix formidable :

« Merlin ! Merlin ! est-ce ainsi que tu tiens tes ser-