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LIVRE XIII.

sent du rocher ne sont rien auprès de cette vie d’amour qui s’est amoncelée dans mon sein. Ah ! que j’ai soif d’aimer ! Comprenez-vous encore cette parole, ô le plus savant des magiciens ?

Il y a huit jours, les arbres nus tremblaient encore sous un reste de feuillage mort. Tout ce que je sais de magie, je l’ai employé à les réveiller une heure plus tôt ; et ces grands squelettes glacés se sont ranimés à ton nom. Déjà un léger duvet les enveloppe ; une petite auréole de verdure, premier don du matin empourpré, commence à poindre au bout de chaque branche.

Le bourgeon est enseveli dans sa coque brune. J’arrive, je déchire le linceul ; l’âme cachée apparaît ; du fond de son noir sépulcre, surgit une petite fée verte qui me sourit. Déjà elle s’est fait sa robe d’une feuille plissée, colorée, qu’elle s’est fabriquée et découpée elle-même. La voilà qui la déploie ! Sur les bords, traînent encore les fils blanchâtres des écheveaux de soie qui ont servi au tissage.

Sous de grêles arcades embaumées passent des ombres inconstantes au fond de la forêt. Ah ! voilà un épervier qui s’élance. Malheur à l’oiseau que sa chanson a trahi ! Mais une alouette des bois, rassurée par ma vue, continue à traîner ses notes aiguës comme le grincement de la lime. Le vent incline les têtes des pins ; ils s’entrechoquent lentement et crient à la manière des vaisseaux dans le port… Là-bas, un bruit a retenti ; c’est la hache d’un bûcheron. L’arbre frappé est tombé avec le fracas du tonnerre. Et de nouveau le silence. Puis les roucou-