Page:E. Quinet - Merlin l'Enchanteur tome 2, 1860.djvu/12

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
8
MERLIN L’ENCHANTEUR.

lements du ramier, pareils à des vagissements ; le parfum des arbres résineux, mêlé aux haleines vierges des fleurs inconnues… Non, Merlin, en dépit de toi, les roses sauvages ne mourront pas cette année. Le printemps aura encore une fois sa guirlande.

Je t’écris du fond du petit bois, au cri pétillant du roitelet qui salue l’aubépine fleurie. Les nénufars à la face d’argent ont surgi du fond des eaux comme une couvée de cygnes. Que la solitude ici est profonde depuis que les gardeurs de chevaux ne viennent plus m’y troubler ! Je n’ai pour compagnons que les grues qui vont et viennent, et s’abattent bruyamment sur la margelle du grand étang. Quand elles passeront sur ta tête, elles formeront un grand V. Demande-leur ce que je leur ai dit pour toi ; elles m’ont juré de te le redire.

J’ai prêté, ou plutôt j’ai donné aux oiseaux de la forêt que l’hiver avait le plus dépouillés cette robe de soie que tu aimais tant et que je portais le jour où je t’ai vu pour la première fois. Ils en ont emporté brins à brins les fils dans leur nid, et ce travail ne leur a pas coûté plus de deux jours. Jamais leurs petits n’auront été si bien couchés que cette année ; c’est une consolation d’être aimée des petits des oiseaux, dans un temps où les enchanteurs sont si ingrats.

Ce matin, en me promenant dans la clairière, j’ai trouvé un papillon tout transi et perclus dans la rosée. Ses deux ailes blanches étaient déjà collées comme un linceul, il tremblait. Je l’ai pris dans ma main et après l’avoir réchauffé de mon haleine, je l’ai porté à un en-