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MERLIN L’ENCHANTEUR.

quand il reconnut de loin le grand saint Christophe peint d’or sur un champ d’azur, tel qu’il l’avait vu flotter à travers les buissons d’aubépine dans les charières. Mais il resta stupéfait en voyant que celui qui portait la bannière n’était autre que Turpin.

Jacques pousse un cri, se jette dans ses bras. Turpin le reconnaît à son tour. Il appelle son maître. Merlin se retourne… Ce moment seul paya toutes les fatigues de la route.

Pendant ce temps, le prêtre Jean avait les yeux fixés sur Merlin ; il finit par lui dire :

« Vous, mon fils, où vous conduirons-nous ? Quelle est votre église ? Par quel livre jurez-vous ? Quel nom donnez-vous à votre Dieu ? Est-ce le Dieu inconnu ? Nous l’adorons aussi, la pompe de ses cérémonies ne le cède en rien chez nous aux autres cultes.

— Si vous ne l’aviez nommé, peut-être aurais-je gardé le silence. Mais, puisque vous êtes allé au-devant de mes souhaits, je confesse que le Dieu inconnu remplit mon âme.

— N’en soyez point honteux, Merlin. Son église est tout près d’ici ; vous en voyez blanchir le toit de marbre. Personne autre que moi ne vous y conduira. »

Durant le séjour des voyageurs dans l’abbaye, rien ne fut changé à l’ordre accoutumé. Voici comment étaient réglées les premières heures du jour. Avant le lever du soleil, un grand feu de bois de sandal, allumé par les brahmanes, saluait le réveil d’Indra et parfumait la terre. À cette clarté subite, le chef des derviches mon-