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MERLIN L’ENCHANTEUR.

vertes de fresques peintes par les Raphaël et les Michel-Ange qu’avait formés le prêtre Jean. On admirait surtout un tableau qui décorait le grand cloître. Sur le premier plan était le petit Bouddha dans les bras de la vierge éternelle ; il jouait avec l’enfant Jésus, et Marie, pleine de joie, semblait retrouver une sœur dans la vierge indienne et lui dire : « Quoi ! vous aussi, ma sœur, vous avez enfanté un dieu ! » Un peu plus loin, sur les lieux hauts, Brahma souriait à ce spectacle ; bercé sur un blanc nénufar épanoui, il abordait dans l’Éden de Jéhovah, qui lui tendait la main et l’aidait à monter sur le rivage. Cependant qu’Allah se plaçait au milieu d’eux, et en remettant pour toujours son cimeterre dans le fourreau, il les invitait l’un et l’autre à se reposer sous sa tente surmontée d’un croissant dont l’ombre plongeait dans une source transparente.

Chaque jour les habitants de l’abbaye s’arrêtaient devant ce tableau et d’autres du même genre. En voyant l’union de leurs dieux, ils apprenaient à rester unis eux-mêmes, et c’est là ce qui causait l’admiration de Merlin. Car il est à remarquer que, pendant son séjour au milieu d’hommes si opposés d’origines et de croyances, ni rixe, ni malentendu, ni plainte, ni soupçon, ni figure chagrine, n’attristèrent un seul moment ses yeux ou son esprit. Il y avait, au contraire, entre tant de croyants, une singulière émulation à imiter ce qu’ils appelaient la réconciliation de l’Éternel.

« Comment avez-vous pu établir cette paix ? demandait chaque matin Merlin au prêtre Jean.