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MERLIN L’ENCHANTEUR.

bâton au prêtre Jean qui, certainement, est le prêtre du diable.

— Ne connaîtras-tu donc jamais que la violence ? lui répondit Merlin avec douceur. Veux-tu payer par un crime l’hospitalité si généreuse que nous recevons ?

— Mais si cette hospitalité est celle de Satan ?

— Écoute-moi, poursuivit son maître. Assurément beaucoup de choses sont à blâmer parmi les esprits des ruines ; et tu as pu voir que j’ai dit librement ma pensée, au risque de m’attirer la colère du puissant monarque qui règne dans ces contrées. Mais parmi tant de défauts, sur lesquels je me suis franchement expliqué, il est quelques qualités que nous ne devons pas méconnaître parce qu’elles sont enfouies dans la poussière. Telles sont leur sobriété (puisses-tu l’avoir toujours en mémoire, pour qu’elle te serve d’exemple !), leur amour du silence, de la solitude, le petit nombre de leurs besoins, leur mépris du luxe (tu as vu quels palais leurs rois habitent !). Songes-y quand tu te plaindras de ta chaumière. Ce sont là de vraies vertus, Jacques, quoique ensevelies sous la cendre. Mais celle que j’estime le plus, retiens-le bien, c’est leur tolérance, puisqu’ils mêlent dans la même urne sacrée toutes les cendres ; et je ne verrais rien qu’à louer en cette affaire, si je ne les soupçonnais d’un peu d’indifférence, chose dont je remets à m’assurer plus tard. »

Ce discours ne réussit pas à persuader Jacques. Mais, par amour pour l’enchanteur, il consentit à ne pas mettre le feu à l’abbaye. Les mages lui offrirent en don