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MERLIN L’ENCHANTEUR.

« Que pensez-vous du prêtre Jean ? demandait le roi du désert.

— Sire, répondait le prudent Merlin en s’apercevant que les génies du désert, tous courtisans, l’épiaient, s’il n’était qu’athée, j’en dirais mon avis ; mais panthéiste ! »

Pendant ce temps-là Turpin racontait son histoire. Il disait comment, s’étant aperçu trop tard du départ de Merlin, il avait interrompu sa lecture pour le suivre. Sur le bruit public, souvent fort mensonger, il l’avait longtemps cherché vainement dans la compagnie des sages. Du moins il avait été assez heureux pour retrouver la harpe de Merlin, dans un bois harmonieux de pins de Ravennes ; et il la rapportait intacte, sauf quelques cordes détrempées par la rosée, et qu’il serait aisé de remplacer.

Je laisse à penser la joie de mon héros en revoyant cette harpe sacrée qu’il n’espérait plus retrouver jamais. Il la reçut des mains de Turpin en pleurant. Comment avait-elle été égarée dans ce bois de Ravennes ? Par qui oubliée ? À quelle occasion ? Je le sais parfaitement, je pourrais le redire. Mais je ne saurais suffire à tout, dans un sujet où à chaque pas s’ouvre la perspective d’un monde nouveau. C’est au lecteur à faire ici un effort de génie ; il est bon, après tout, qu’il aille quelquefois au-devant du vrai par ses propres conjectures.

Le long récit de Turpin n’était pas achevé que nos voyageurs arrivèrent près des sources de l’Euphrate,