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MERLIN L’ENCHANTEUR.

chanteur. Mais le mot de Dieu n’était jamais prononcé devant lui sans l’émouvoir ; il profita de cette circonstance au moins singulière pour conseiller au roi de fonder une église, en commémoration de son heureux voyage. Le roi y consentit à la seule condition que Merlin bâtirait, de ses propres mains, cet ex-voto, sur la place de Cordoue. Le goût de notre héros s’était altéré dans ses voyages : au lieu d’une cathédrale, il fit, par distraction, une mosquée.

Était-il donc devenu mécréant ? était-ce le fruit qu’il avait rapporté de ses lointains voyages ? Dieu me garde de le penser ! Avait-il donc perdu entièrement la foi gravée dans son cœur par sa mère Séraphine, au sortir du couvent ? Je ne dis pas cela.

Et pourtant, tenez pour certain qu’il avait alors un grand faible pour le Coran. Il en aimait la simplicité éblouissante. Le cimeterre recourbé d’Allah le séduisait ; il eût voulu en aiguiser le tranchant. Et pour ne rien cacher (car où ne vont pas les arrière-pensées chez les hommes, même les meilleurs ?), qui sait si les promesses des houris n’avaient pas ébranlé son ancienne croyance ? De tout cela, il s’ensuivit qu’il bâtit l’église de Cordoue sur le plan musulman des forêts de palmiers qu’il venait de visiter.

Cependant Alifantina se mourait d’impatience de revoir ses femmes dans l’Alhambra, qui n’était encore qu’une humble masure. Aussi prirent-ils le chemin le plus court, à travers les montagnes tigrées de bruyères d’Alcala-la-Réale, quoiqu’il fût, disait-on, le rendez-