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LIVRE XVII.

vous des principaux bandits de la province. Figurez-vous une longue gorge nue, armée de dents de rochers, qui s’ouvre çà et là sur des lacs de poussière et de sable. Cette gorge conduit en trois jours à la Véga de Grenade. (Si jamais vous suivez ce chemin, n’oubliez pas, lecteur, comme cela m’est arrivé, vos provisions de bouche.)

À mesure que le voyage touchait au terme, Euphrosine était tombée dans la plus noire tristesse. Elle s’en ouvrit à Merlin.

« Hélas ! lui disait-elle, j’ai possédé jusqu’ici presque à moi seule le cœur du roi, et le moment est venu où je devrai le partager avec trois cents et peut-être trois cent cinquante femmes. Comment, seigneur, ne pleurerais-je pas ? »

Merlin lui répondit :

« Ne voyez pas, madame, tous les malheurs à la fois. Il arrivera peut-être beaucoup de choses qui feront tourner votre tristesse en joie. On ne peut être heureux qu’à force de raison.

— Vous me fortifiez toujours, Merlin. En ce moment surtout je voudrais vous croire. »

Une chose remplit d’étonnement Alifantina dès qu’il se vit près de Grenade : aucun de ses muets ne vint au-devant de lui. Ce mystère s’expliqua lorsqu’il entra dans l’Alhambra. Les plus belles de ses femmes, Carmen, Lindaraja et plusieurs autres, avaient été enlevées les nuits précédentes, et les ravisseurs avaient eu l’impudence de laisser les échelles de soie pendantes