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MERLIN L’ENCHANTEUR.

encore aux balcons des fenêtres. Euphrosine en versa des larmes de joie. Alifantina ordonna de coudre dans des sacs de cuir tous les habitants et de les jeter dans le Darro, nouvellement grossi par les pluies d’automne.

Merlin l’en dissuada : « Pourquoi ensacher et engloutir tout un peuple ? Passe encore pour ceux qui tressaient des échelles de soie ! » Il se faisait fort de prouver que les meilleures appartenaient à un jeune étranger nommé don Juan de Ténorio. Et puis qu’avait à regretter celui qui possédait Euphrosine ?

Alifantina apaisé convint de tout. « Mais, dit-il, je renonce désormais aux longs voyages. C’est ici, dans ces lieux, que je veux passer ma vie. »

Il dit, et commanda à Merlin de lui bâtir un château de plaisance où il pût se consoler de la fragilité humaine.

S’inspirant des sentiments du roi des Espagnes, Merlin éleva une première enceinte de tours guerrières, qui jetaient l’épouvante autour d’elles, tant elles paraissaient menaçantes et jalouses. Mais dans l’intérieur de cette enceinte il rassembla tout ce qu’il put imaginer de plus voluptueux : chambres de marbre, voûtes d’albâtre, jets d’eau murmurants dans des rigoles de porphyre, fleurs d’émail épanouies sur des murs de jaspe.

Quand l’édifice fut achevé : « Sire, dit-il au roi, voilà ton palais. C’est à toi de faire qu’il te ressemble : au dehors la fierté, la puissance, la jalousie et même la sainte colère ; au dedans la paix, la douceur, la sérénité inal-