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LIVRE XVII.

térable du juste et la senteur divine qui accompagne ses pas. »

Ayant ainsi prodigué les ressources de son art pour enchanter ces lieux, Merlin s’abandonna lui-même à tout leur charme. Il perdait ses jours à errer de chambre en chambre, au bruit éternel des jets d’eau, comme s’il eût habité déjà le ciel des houris. Jamais son âme ne fut en plus grand danger, et je ne sais s’il n’eût fini par se convertir au mahométisme, sans un incident qui l’arracha à ses vains songes pour le rejeter en plein dans la réalité. Il était dans la cour des Lions, et il dorait leurs crinières, lorsque l’ombre d’un nuage passa à ses pieds. Ce nuage venait du levant, peut-être de France ; sans doute, il avait passé sur la tête de Viviane. Il n’en fallut pas davantage pour le décider à renouer sa correspondance, seul monument positif qui nous reste de ces jours de rêverie et d’entière solitude. Sans ces monuments épistolaires, il m’eût été impossible, malgré les recherches les plus obstinées, de retrouver la trace des pèlerinages de Merlin, et moins encore de ses pensées. Mais par un bonheur extraordinaire, quand les matériaux de cette histoire manquent tous à la fois, mes héros eux-mêmes portent témoignage.