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LIVRE XVII.

torrentueuse du Darro. D’avance j’ai gravé le mot de félicité sur toutes les murailles, en caractères antiques mêlés de tulipes et de jasmins, parce que ce sont les fleurs que tu aimes le plus. Par ces préparatifs, juge s’il est vrai que je n’ai que des pensées éphémères, comme tu m’en as trop souvent accusé.

Oui, j’ai construit ici, de mes mains, le palais de ma félicité, en marbre et en granit ; déjà je te cherche dans ce labyrinthe d’amour. Je t’appelle de salle en salle, de chambre en chambre, comme si tu étais là pour m’entendre. Au bruit de mes pas je me retourne et je demande : Est-ce toi ?

Les jasmins exhalent ici une odeur que je n’ai senti qu’une fois en ma vie. Où est le bouquet que tu tenais à la main quand je te rencontrai dans la bruyère, près des sources ?

Mettrons-nous donc toute notre puissance à nous désespérer l’un l’autre ? Nos fiançailles n’ont-elles pas duré assez longtemps ? Que tardes-tu ? Que veux-tu que le monde dise ? Il s’étonne que notre mariage soit ainsi différé ; si tu entendais les médisances des roses et des rossignols dans tes propres jardins, ici, sous tes fenêtres, tu n’hésiterais pas davantage à leur donner un démenti nécessaire… En ce moment même, j’ai été obligé de m’interrompre pour leur imposer silence.

Ô ravissement ! enchantement ! volupté sacrée ! Tours vermeilles, ouvrez vos portes pour recevoir ma bien-aimée ! La voilà qui arrive. Je sens déjà le parfum de ses lèvres. Jets d’eau, répandez au-devant de ses pas vos