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MERLIN L’ENCHANTEUR.

perles et vos rubis. Lions, secouez après elle vos crinières ruisselantes ! Murailles jalouses, élevez vos créneaux dans les nues pour cacher au monde nos premiers embrassements. Houris, prosternez-vous aux pieds de votre souveraine. Pierres du seuil, pavé de marbre, alcôves d’albâtre, prenez une voix, écriez-vous : félicité ! félicité !

Je te jure, Viviane, qu’il n’est pas dans le monde un lieu mieux fait que celui-ci pour être témoin de notre réconciliation, soit que tu veuilles seulement y célébrer nos noces, soit, comme je le préférerais, que tu aies dessein d’y fixer notre séjour éternel. La raison, l’imagination, tout confirme ce que je te dis : un air pur, une nourriture salubre, des orangers en pleine terre, mais point de simoun ni de sirocco ; jamais un orage ; à nos pieds une Véga où retentissent les romances des Zégris ; plus bas le Xéril ; plus bas encore le Darro ; en face de nous, les cimes blanches et arrondies des Alpuxaras, rayées de bleu, de violet, d’orangé et de pourpre. D’ailleurs un peuple toujours en fête, pourvu que je lui répète ton nom ; des femmes aux longues paupières, qui, à travers de grands cils noirs, dardent des regards acérés comme la flèche emplumée que la corde a lancée. Tu ne pourrais en souhaiter de plus belles pour ton cortége. Que te dirai-je enfin ? l’Arabie Heureuse, étincelante à l’ombre du bouclier d’Arthus.

Je te répète que j’ai élevé les murs de l’Alhambra pour en faire ton palais d’hiver. Je ne pense pas avoir oublié une seule des choses que tu préfères. Si, par hasard, j’en