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MERLIN L’ENCHANTEUR.

fleurs de nos pays. C’est un idiome formé seulement de voyelles emmiellées, savoureuses, sans aucune consonne nasale, comme en Bretagne. On le dit inventé par les magnolias et les acacias ; tu l’apprendras aisément en un jour. Les tamarins, les dattiers, les cocotiers entremêlés de lianes, s’étonnaient et murmuraient de voir passer un enchanteur à leurs pieds. Ils ne savaient même ce que c’est qu’un enchanteur, tant ils sont nouveaux en toutes choses. Ils m’ont avoué que l’ennui les ronge dans une solitude si profonde, où ils ne voient jamais passer personne. « Elle viendra ici, sous vos ombrages ! » leur ai-je dit. Et ils en ont frissonné d’aise jusque sous leur épaisse écorce.

Chose singulière ! on ne rencontre ici ni fées, ni génies d’aucune sorte blottis dans le creux des vieux chênes. La solitude n’en est que plus majestueuse. Tu sais combien ces sortes de gens sont souvent indiscrets et malfaisants.

J’ai vu, il est vrai, quantité de volcans sur les flancs des Cordillères. Mais ces volcans qui brûlent jour et nuit n’éclairent personne. Je leur ai demandé qui les a allumés dans l’extrême solitude où ils sont, et ils n’ont pu me répondre. Je crains qu’ils ne s’éteignent sans gloire, faute d’une étincelle, si personne n’est là pour entretenir leurs vastes chaudières magiques. Nous pourrons y veiller.

Ici nous serons maîtres absolus de nous-mêmes, cent fois plus que dans le vieil univers plein de jaloux qui ne cherchent qu’à nous brouiller tous deux. Si tu crains