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MERLIN L’ENCHANTEUR.

main de marbre à don Juan. Don Juan lui donne la sienne. L’homme de pierre l’entraîne ; je reste seul à demi aveuglé dans les flammes paternelles.

Et le noir cobold, qui les attisait de son croc, me dit : « Es-tu content, Merlin ? Vois, cousin, ce que nous faisons pour toi et si nous sommes bons parents ? »

Voilà donc ce qu’il en coûte, Viviane, de médire de toi ! Quelle leçon pour l’inconstance, de quelque nom qu’elle se pare ! On se couvre de mots magiques : religion, martyre, héroïsme, infini, idéal, bonté, dévouement, et l’on se réveille abîmé dans l’Érèbe. Notre amour, Viviane, ne ressemble pas à celui-là. Grâce à toi, je vois enfin clair en moi-même ; je commence à comprendre ce que tu m’as toujours dit de la blanche sagesse des lis.

IV

Cordoue.

Comme je passais à mon retour, le soir, sur le pont de Cordoue, je rencontrai (chose on ne peut plus fréquente dans ce pays) une procession de revenants, et il sortait du milieu d’eux un long soupir brûlant de femmes.

« Qui êtes-vous, âmes errantes ? leur demandai-je.

— Nous sommes des âmes blessées par l’amour de don Juan, et nous allons en pèlerinage aux lieux où