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LIVRE XVIII.

nous l’avons aperçu d’abord. Si tu veux en savoir davantage, parle à celle qui nous suit et dont le cœur est encore tiède des chauds rayons de la vie. »

Je me retournai et je reconnus Dolorès.

« Vous ici ! lui dis-je, dans ce triste chœur des morts ! Je pourrais peut-être vous ramener à la vie ; mais c’est le comble de mon art, et il faut que vous m’aidiez d’un désir infini.

— Non, Merlin, répondit l’âme consumée. Je ne désire pas revivre ; je veux marcher éternellement sur les traces de don Juan.

— Vous savez pourtant qu’il habite l’enfer ?

— Je le sais.

— Et vous l’aimez encore sous la cendre ?

— Plus que sous le soleil des vivants.

— Mais sa cruauté frivole ?

— Elle n’a fait qu’empirer.

— Et ses échelles de soie ?

— Il les suspend dans le gouffre éternel.

— Eh quoi ! il vous envoie encore des messages ?

— Oui, des messages écrits avec un rouge bitume qui brûle l’enfer lui-même.

— Et l’enfer n’a pu vous guérir ?

— Mon amour ne fait qu’augmenter avec ses crimes ; c’est mon plus grand supplice. Venez, Merlin ! ajouta-t-elle. Vous qui m’avez aimée, j’ai un secret à vous dire. »

Elle marche devant moi, je la suis. Des rues ténébreuses, retentissantes d’un bruit lointain de dagues