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MERLIN L’ENCHANTEUR.

qui s’entre-choquent dans l’ombre ; des hidalgos muets, enveloppés de leurs manteaux ; des mosquées, des chapelles, de grandes places vides, des croix funèbres clouées aux murailles, le tout accompagné du son mourant des cloches, enfin une vaste église qui couvre au loin la terre. Dolorès monte les degrés du perron ; elle entre et referme le grillage de fer qui grince lamentablement sur ses gonds.

« Ouvrez-moi, Dolorès ! »

Elle s’arrête ; j’entrevois un hideux squelette.

« Loin ! plus loin ! dit-elle. Je vous ai promis un secret ; écoutez : cette vaste église, où vous m’avez souvent accompagnée dans le jour, va s’abîmer. Ses murs sont lézardés ; fuyez ! vous n’avez qu’un moment. »

L’immense édifice s’écroule avec un fracas dont les morts s’épouvantent. Les cloches, en tombant, sonnent le glas d’un monde. Je ne distingue plus à la clarté de la lune que quelques moitiés de voûtes qui résistent, pour mieux montrer de quelle hauteur l’édifice a croulé. J’appelle encore une fois Dolorès. Tout avait disparu.

Que sont donc, ô Viviane ! les pensées, les promesses, les serments et même les religions des peuples ? Comme ils bâtissent sur le sable, et que tout est fragile quand nous n’y mettons pas la main !

Comment accorder la frivolité, la légèreté de Dolorès envers moi, et sa constance inflexible pour un enchanteur maudit tel que don Juan ? Que les âmes enferment de contradictions et de ténèbres ! Toi seule, encore une