Page:E. Quinet - Merlin l'Enchanteur tome 2, 1860.djvu/193

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
189
LIVRE XVIII.

songes, le plus beau de votre avoir, ne m’aura pour maître qu’en l’ayant pour maîtresse. Revenez, je vous prie, sur votre décision. Qu’il soit commun entre nous, à la bonne heure ! C’est assez que je ne fasse aucune opposition aux autres articles, où vous me comblez sans mesure.

Rassurez-vous, Diane, sur les emportements de mon caractère. Le changement est complet, et, je puis le dire, tout à mon avantage. Mille témoins, au besoin, déposeraient pour moi. Interrogez (je vous y invite moi-même) les rossignols que vous rencontrerez, les papillons aux mille yeux, les perles au bord de la mer et les étoiles au collier de la nuit. Tous m’ont vu, tous ont pu me juger, quand moi-même je ne pouvais me voir. Il n’est pas une perle dans la mer, une étoile dans les nues, qui n’estime Merlin. Pressez-les, forcez leur confidence, quand vous serez seule avec elles. Interrogez même les songes. Qu’ils parlent librement ! et jugez-moi sur leurs paroles.

Vous-même, Diane, vous ne reconnaîtriez pas le Merlin que vous avez connu. Plus de fantaisies, plus de vague ; encore un peu d’impatience peut-être. Un signe de votre main, un rien, votre petit doigt levé m’en corrigeront. Croyez que les voyages, le temps, l’absence, les occupations assidues, la peine surtout ont mûri mon cœur. Je vous rapporte, Diane, un esprit assagi, dompté, à moitié, par tant d’épreuves.

Quelquefois l’ennui, la solitude, le désespoir m’ont obligé (je l’ai déjà avoué) de mendier çà et là un sou-