Page:E. Quinet - Merlin l'Enchanteur tome 2, 1860.djvu/197

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
193
LIVRE XVIII.

bées, comme il l’avait vu faire à Damas ; tantôt il apprenait à un jardinier de la Véga à creuser une rigole, et il est manifeste que son projet était de changer les Espagnes en un vaste parterre, dont il avait dessiné, de Valence à Cintra, en passant par Murcie et Navarre, les allées et les carreaux bordés de gazons, de tulipiers et d’arbres de Judée. Le plus souvent, il enseignait de nouveaux boléros et fandangos et une quantité d’airs de danse, par exemple les Folies d’Espagne, sans parler de plusieurs coups d’épée, encore en usage aujourd’hui dans les corridas de taureaux.

En outre, il rendit une foule de décrets, lois, ordonnances souveraines, qu’il trouva sage d’écrire, non sur le parchemin, mais dans le cœur des peuples. Par exemple, il voulut et ordonna que tous âniers et muletiers fussent armés chevaliers, en sorte qu’un vagabond n’en rencontrât jamais un autre sans l’appeler caballero. De plus, il enjoignit, décréta que les castagnettes se mariassent à la guitare sous les voûtes ombreuses des hôtelleries, toujours ouvertes, que chaque fenêtre eût un balcon ciselé pour que les belles pussent y venir parler d’amour, dans les longues nuits d’été, à travers les jalousies, ou assister aux coups de dagues retentissantes dans les rues ténébreuses.

Il voulut encore que les regards des femmes eussent un éclat ressemblant, autant que faire se pourrait, au feu des pierreries qu’il ne manquait jamais d’énumérer en détail, telles que rubis, saphirs, topazes, émeraudes, améthystes, escarboucles.