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MERLIN L’ENCHANTEUR.

Quant aux hommes, après peut-être mille essais pour juger de ce qui leur sied le mieux, il imposa aux Basques les cheveux tressés sur les épaules, aux Valenciens la couverture en guise de burnous, aux Catalans la large ceinture bariolée, aux Andalous les alpargatas, brochées d’aiguillettes d’acier, à tous la large Navaja, gardienne de leur honneur. Telles sont les lois de Merlin encore obéies aujourd’hui.

Ne soyez donc point surpris, si Alifantina chercha par tous les moyens dont peut disposer un souverain absolu, à retenir notre enchanteur dans ses royaumes. Il l’avait nommé son astrologue, il le fit grand d’Espagne ; à quoi il ajouta la prière, toujours si puissante dans la bouche d’un maître :

« Que deviendrai-je, Merlin, quand vous m’aurez quitté ? Je m’étais converti à votre bon génie. Chaque jour je rompais davantage avec l’esprit des ruines. Si vous me laissez, Merlin, je vous confie ma faiblesse ; je crains d’être ressaisi par l’habitude et de m’abandonner au torrent. Vous m’aviez appris à préférer des champs ensemencés à l’aride bruyère. Insensiblement je prenais goût à la prospérité publique. J’en faisais mon propre bonheur. Mais ces idées sont si nouvelles, si extraordinaires, que je n’oserai plus même les avouer, quand vous ne serez plus là. Mes conseillers intimes, je le sens, me ramèneront au désert. »

La reine joignait ses instances à celles du roi :

« Qui m’expliquera l’Alhambra, Merlin, quand vous n’y serez plus ? Qui me traduira les conversations em-