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MERLIN L’ENCHANTEUR.

Je te voyais enfermé avec moi dans une tour imprenable dont la clef avait été jetée dans l’abîme, et tes lèvres étaient sur mes lèvres. Je me suis éveillée en sursaut. Mais le songe m’a poursuivie. J’ai réveillé les pics-verts qui dormaient encore la plupart, et je les ai interrogés. Tous m’ont dit avoir fait un songe exactement semblable. Qu’est-ce que cela veut dire ? Tu n’auras pas de peine à me l’expliquer, s’il est vrai que tu es le roi des songes.

VI

VIVIANE À MERLIN.
Champ de la Crau.

Hélas ! que je me ressemble peu à moi-même ! Est-ce bien moi qui ai écrit la lettre que tu viens de lire ? Où sont les espérances, les élans invincibles de ce cœur que transportait la moindre brise ? Où sont les lueurs brûlantes qui s’allumaient dans les chaudes nuits d’été ? J’ai vu au bord du ruisseau un peuplier que le tonnerre a enveloppé sans le frapper. L’écorce a été arrachée au vif et dispersée. Les feuilles calcinées tombent en une poussière fine, impalpable qui ne laisse aucune trace sur la terre. Il en est ainsi, Merlin, de mes œuvres, de mes pensées, de mes projets, de mes rêves, de tout ce que j’entreprends. La terre se dépouille ; elle se