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MERLIN L’ENCHANTEUR.

était sûr, au moins, que toutes les choses et les personnes qui vivaient sur la foi de notre enchanteur s’abîmeraient incontinent, non pas seulement dans le royaume d’Arthus, mais jusque par delà les confins de la terre habitable.

Était-ce le cas de dire la vérité sans ménagement ? Un peu de dissimulation n’était-il pas à préférer ? On vivrait quelque temps d’espérances ; et le grand mal, je vous le demande ! Le monde n’en vivait-il pas bien avant Merlin ? D’ailleurs (et ceci est concluant), il ne se résolut pas sans combats et sans remords, lui qui était jusque-là toute vérité, à se contenter de l’apparence. Comment cela se fit par degrés, l’histoire serait longue à raconter. De ce grand livre ouvert devant mes yeux, je choisis une page.

III

Les premières indiscrétions partirent de l’entourage même de Merlin. Il était occupé à rafraîchir son âme par un profond sommeil, et Jacques péchait des grenouilles au bord du grand étang dont parlent les légendes. À ce moment parurent, armés de torches phosphorescentes, des esprits follets qui mêlèrent leurs danses à travers les joncs du rivage ; et voici la conversation qui s’établit entre eux, pendant qu’ils effleuraient